Portes ouvertes et portes fermées

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Je… ça y est je deviens folle. Au mieux, juste paranoïaque. Mais je pense que j’ai franchi un cap, que c’est encore pire, maintenant.
Je me rend compte que ce que j’ai dit à W est plus vrai que je ne le pensais. Je ne veux pas d’enfants parce qu’au fond de moi, je suis persuadée que je ne pourrais pas m’empêcher d’être… eh bien, de maltraiter ma progéniture. De hurler et de terroriser le pauvre gamin, de le frapper, de l’enfermer dans un placard et de l’affamer en guise de punition… la liste est infinie. Et le fait qu’elle le soit me fait encore plus peur. Y a-t-il une limite à ce que je peux imaginer d’horrible ? Je crois que non.
Je pense que No et les filles me critiquent, se foutent de ma gueule. Que ça les amuse de me voir, qu’elles me trouvent ridicule, qu’elles adorent avoir sous les yeux la preuve qu’elles sont plus apte à vivre dans ce monde que moi.
Tout à l’heure, j’ai éclaté en sanglots sans raison. Je lisais une histoire. Il y avait… une scène assez particulière. C’est subtile, puisque ça reste littéraire, mais comment dire… je ne pense qu’on puisse arranger une scène racontant un viol avec assez de métaphores ou autre pour que cela soit moins perturbant à lire. En tout cas, c’est là qu’à commencer ma phase de paranoïa. Crise de larmes incontrôlable. Suivie d’une foule de questions et d’une bonne heure de réflexion, immobile dans mon lit, les genoux contre ma poitrine. J’ai éprouvé tant de peur… je… j’ai du mal à comprendre comment j’ai pu m’angoisser moi-même, en quelque sorte. Il y a beaucoup de blancs dans ma mémoire et, je connais une partie des antécédents de mon père - certains par des témoignages, d’autres par mes propres souvenirs, souvenirs assez rares justement - et c’est ce qui rend les choses encore plus ténues, ce qui laisse encore plus de place à mon imagination et à mes doutes. Et si j’avais vécu un traumatisme de ce genre-là et que, dans une sorte de mécanisme de défense, mon esprit avait volontairement occulté ces souvenirs ? Tout un tas de questions de ce style sont venues défiler dans ma tête ; c’était comme entendre milles voix me chuchoter des mots toutes en même temps, ça me rendait dingue, j’avais presque envie de hurler. Rien que d’écrire tout ça et d’y repenser, j’en ai les larmes aux yeux et je… putain je sais plus quoi penser, je sais pas ce qui est vrai ou pas, j’ai aucun moyen de le savoir. "Mais putain arrête un peu ! C’est juste ton cerveau qui psychote un coup ! Arrête ta paranoïa, ma vieille..." J’ai beau me dire ça, ça ne rend pas les choses plus compréhensibles.
Pourquoi je pense des trucs pareils ? Pourquoi je souris pour rien et l’instant d’après je pleure pour rien ? Pourquoi je veux à la fois voir des gens et les serrer dans mes bras et en même temps les engueuler et les frapper, leur dire de ne plus jamais m’approcher ? Pourquoi je… et puis merde, je sais plus quoi écrire là. Dormir. Oublier. Fuir. Partir.