Portes ouvertes et portes fermées

Alex

Je n’aime pas vraiment mon prénom, je le trouve d’une banalité affligeante. Anna, c’est si courant, ça se prononce si facilement, ça glisse tout seul comme un putain de bonbon trop sucré sous la langue. On va dire que Alex, c’est pas mieux, hein. Sûr que c’est pas original, comme prénom. Mais ce qui en fait l’originalité à mes yeux, c’est les différents sens cachés que je raccroche à ce prénom si simple en apparence. D’ailleurs, ça aussi, c’est important ; un prénom simple mais qui cache tellement plus, c’est le parfait reflet de ce que je suis.
Alex, ça peut être masculin ou féminin, ça peut être le diminutif d’Alexandre, d’Alexandra, d’Alexia, d’Alexi, d’Alexei, d’Alexandria… tant de possibilités. Alors, ai-je bien fait de choisir ce nouveau prénom ? Parce que oui, je veux changer de prénom et de nom de famille aussi. Nouveau nom, nouvelle identité, nouvelle vie. Ou bien découverte de ce qu’il y a après la mort ; après tout, je ne sais pas quand je vais mourir et ça peut parfaitement être dans moins d’un mois.
J’ai appris l’existence d’un mot que je n’avais jusque-là jamais entendu ni lu. On appelle ça "l’alexithymie". Alex pour alexithymie. Je trouve que ça aussi, ça tombe plutôt juste. Comme si l’univers m’envoyait une confirmation, un signe que ce nouveau prénom est une sorte de clef vers de nouveaux horizons.
En tout cas, j’ai toujours peur. Le spectre du passé - principalement mon paternel et sa bipolarité - pèse encore bien lourd sur mes épaules. Ne parlons même pas de l’ombre du futur ; une ombre, comme si les souffrances que je connais en ce moment étaient en fait un soleil en comparaison de ce qui m’attend et de ce qui découlera de ces problèmes que je n’arrive pas à affronter aujourd’hui.
Est-ce que "Alex" me permettra vraiment de changer les choses ? Ou n’est-ce qu’un leurre de plus, un faux espoir, un piège d’autant plus affreux qu’il a cet air séduisant, dans lequel je vais tomber une fois de plus ? Je l’ignore. J’ignore ce que je ressens réellement. Je sens juste, quand je le prononce à haute voix, que Alex sonne mieux à mes oreilles que Anna.