Portes ouvertes et portes fermées

"I'm looking for freedom..."

Combien suis-je ? Est-ce que tu ressens ça, toi aussi ? Tous ces "je" qui s’épient sans se comprendre. Celui qui parle et celui qui écrit, celui qui aime et celui qui raisonne, celui qui s’enflamme et celui qui doute. Il y a en moi quelqu’un qui agit et quelqu’un qui se regarde agir. Le second dit à l’autre : "pourquoi as-tu fait cela ? Pourquoi l’as-tu fait ?"

J’ai dû lire ça quelque part, je ne me rappelle plus où, bien sûr. Mais ce "je" multiple me représente parfaitement. Déjà que gérer une personne c’est compliqué, que se gérer soi-même c’est encore plus complexe, alors gérer une multitude de "soi" c’est encore pire. Comment me libérer de tout ça, de ces "je" et de ces "jeux" ? La vie m’embrouille la tête.
Je n’irai pas voir No, c’est décidé. Je ne peux pas. En fait, même si je pouvais, je ne le voudrais pas non plus. J’ai pesé le pour et le contre, et j’en suis venue à la conclusion que l’idée d’aller à cette fête n’était motivée que par des illusions et des mensonges avec lesquels je tentais de me convaincre. Je m’imaginais là-bas, je m’imaginais faire des rencontres intéressantes, manger des trucs sympas, boire et danser, m’amuser, passer un moment hors de moi-même et de mes problèmes. En analysant mieux la question, il n’y a presque aucune chance de rencontrer des gens que je ne connais pas, puisque mes anciens amis vont plutôt venir avec leurs petits amis et petites amies respectives, d’après les dires de No. Donc, c’est un coup à me retrouver seule célibataire libre comme l’air et avec un verre de trop dans le nez, à être la seule à parler à tout le monde et à subir des regards jaloux injustifiés. La bouffe ? Bah, les crêpes je peux très bien en faire, moi aussi. Et pour ce qui est de picoler… je ne cesse de basculer entre me calmer ou alors continuer à boire. La phrase parfaite : tout le monde s’en fout au fond de ce que je vis. C’est la phrase parfaite pour me jeter dans la perplexité toutes les cinq minutes. Parce que je ne sais pas choisir pour moi-même, en ce moment. Je me sens à la fois égoïste et pas égoïste du tout. Mais c’est fait, je n’irai pas chez No. La décision, je l’ai finalement prise à pile ou face avec une pièce de un euro.
"I’m looking for freedom..." Encore une chanson que j’écoute en boucle. Qui sait ? Peut-être que dans les désordres de mon esprit embrumé par la folie, je vais m’en inspirer et écrire quelque chose de poétique, ce soir, dans la pénombre et la chaleur d’un bar. On va encore me regarder bizarrement parce que je suis la seule à me trimbaler avec un petit cahier et un stylo dans un bar où les gens ont plus l’habitude de parler trop fort que de ne rien dire et d’écrire.