Portes ouvertes et portes fermées

Combattre

Ça faisait longtemps que j’avais pas ressenti ce besoin-là. Le besoin de me défouler en faisant autre chose que juste aller courir quelque part et oublier que j’ai un cerveau, des pensées, des angoisses. Je viens de réaliser que… les sports de combat me manquent. Et plus particulièrement mes vieux amis les arts martiaux, le judo et le jujitsu principalement. C’étaient mes gardiens, mes garde-fous (ou plutôt garde-folle), ce qui pouvait le plus se rapprocher de la voix dans ma tête, qui me disait de continuer à avancer quoi qu’il arrive, lorsqu’elle avait décidé de disparaître.
Je me suis renseignée, et maintenant je suis décidée. L’an prochain, je reprends les combats, les défis contre des adversaires puissants, et je m’inscris pour des cours de kung-fu.
Ah, ce besoin de combattre ! C’est comme une vieille histoire d’amour. Je me souviens de mes débuts sur un tatami ; j’avais six ans et un vrai caractère de merde. J’ai protesté de toutes mes forces contre les entraînements, contre l’autorité du prof, contre les autres adultes qui m’encourageaient, contre mon père qui s’en moquait que ça me plaise ou non, contre ma mère qui avait laissé les conseils d’inconnus lui dire que la seule façon de m’aider c’était de m’emmener là, à des cours de judo. "Elle a trop mauvais caractère pour faire de la danse, je vous l’assure ! Il lui faut quelque chose de plus dur, un sport de combat par exemple." Et voilà comment je me suis retrouvée seule avec ma colère de gamine face à cette ambiance particulière qui règne dans un dojo. L’histoire a été à la fois une histoire d’amour et de haine. Et au final, j’ai adoré.
J’ai arrêté il y a trois ans suite à une vilaine entorse. Trois mois sans sport. Et j’ai laissé faire, ensuite, j’ai même songer que je n’avais plus besoin de ça, que si c’était pour me refaire une autre entorse, ça n’en valait pas la peine. Seulement, me revoilà, trois ans plus tard, toujours douteuse et toujours en proie à un grand manque de confiance en moi. J’ai besoin de retrouver ce sentiment de contrôle, de force, d’harmonie entre corps et esprit, de respect, de sérieux et d’amusement entremêlés.
Je crois que si je devais écrire un livre sur ma vie, je l’écrirais à travers la vision du judo. Je raconterais une histoire où les murs ont des souvenirs, où le tatami a un nom et des pensées, où le dojo a une âme bienveillante et où tout ce petit monde m’a vue et observée pendant douze ans.