Portes ouvertes et portes fermées

La fuite

Normalement, je devrais être soit en cours, soit chez moi. Je ne suis ni en cours, ni chez moi. Je suis dehors. Je squatte un café que je ne connaissais pas jusqu’à aujourd’hui. Les cours, c’était tout simplement impossible à affronter pour moi, ce matin. Quand mon réveil a sonné, je ne dormais déjà plus depuis une heure ; ça a été comme ça toute la nuit, entre veille et sommeil. Ce qui m’a fait flancher, ce qui m’a poussé à ne pas bouger du lit et à éteindre mon réveil, c’était… quelque chose d’horrible. Une pensée horrible, une image, non plusieurs images, une vision de mon imagination, une vision si réaliste que j’ai encore du mal à me dire que c’est bien de moi qu’elle provient. Je me suis vue, j’ai vu un double de moi marcher sur un trottoir et soudain, arrêté à un passage piéton, le double, ce moi si ressemblant, a fixé le sol et s’est avancé vers la route, vers les voitures qui passaient, les écouteurs aux oreilles, le regard vide, ayant parfaitement conscience de son acte, il a avancé droit devant les voitures et s’est fait percuté par l’une d’entre elles. Même en l’écrivant maintenant, je… je ne sais pas quoi en dire vraiment. Sur le moment, ça m’a retourné, j’ai pris ma tête entre mes mains et j’ai enfouie mon visage dans l’oreiller, souhaitant de toutes mes forces oublier cette vision. Quelques minutes après, je m’étais rendormie ; je fuyais dans le sommeil. Et lorsque je me suis réveillée à nouveau, je me suis forcée à agir en robot, à faire les choses que j’avais à faire, à ranger, laver, manger, préparer, jeter, et surtout à ne pas penser. L’appartement me semblait si étouffant que je me suis sentie obligée de le quitter, de sortir. J’ai rassemblé mes affaires en hâte et je me suis enfuie dehors. Je ne fais que ça, fuir. Et ma fuite n’a pas de fin.