Portes ouvertes et portes fermées

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Leçon n°1 : Le doute est une force. Dans notre cas, le doute est ce qui perturbe l’édifice de la belle petite vie bien rangée, le fissure doucement, de manière insidieuse, jusqu’à effondrement total en un tas de petits gravillons tombant en poussière dans un silence absolu.
Leçon n°2 : La solitude est votre seule véritable amie. Les autres, vous vous apercevrez plus ou moins rapidement que vous ne pouvez pas réellement compter sur eux.
Leçon n°3 : La famille est un piège. On se croit en sécurité parfois, avec la famille ; c’est ce qu’on croit connaître par cœur, c’est une espèce d’habitude qui rassure. Mensonge que tout cela… la famille n’est pas plus fiable que les amis. Et si on n’a pas de famille et qu’on s’imagine qu’en avoir une est la solution au problème, c’est un espoir inutile.
Leçon n°4 : Tiens, puisqu’on en parle, l’espoir est une vraie salope. Aussi horrible qu’il semble séduisant. J’ai dit que la famille est un piège ? Eh bien, l’espoir est le pire des pièges, encore plus affreux que la famille. Avoir de l’espoir, c’est continuer à subir en se disant que ça va changer. Sauf que ça ne change pas. Alors espérer ne sert qu’à se faire un peu plus de mal.
Leçon n°5 : Aucune réponse. Le doute est là, la peur parce que vous ne savez pas à qui vous pouvez faire confiance - qui sera le prochain à vous trahir, à vous blesser ? -, et l’envie de hurler vos questions sans réponse… allez-y. Demandez, posez-les, vos questions, à n’importe qui. Peu à peu, vous n’aurez plus qu’une seule certitude : il n’existe aucune réponse.
Leçon n°6 : Le monde est fou. Il y a ceux qui ne se posent jamais de questions et qui sont fous sans le savoir, et il y a ceux qui se posent milles questions dont ils savent qu’ils n’auront jamais les réponses et qui ont conscience de chaque degrés de folie qu’ils franchissent. Si vous avez lu jusqu’ici, vous appartenez probablement à la seconde catégorie. Vous êtes comme tout le monde, vous êtes fou. Mais être fou parmi des fous, n’est-ce pas être sage ? Vous commencez à penser ce genre de choses, à réfléchir à des phrases comme cette dernière… vous alternez entre ne penser à rien et penser à tout.
Leçon n°7 : La phase de l’ennui perpétuel. Vous vous levez le matin en vous demandant pourquoi vous êtes encore en vie. Qu’est-ce qui vous pousse à vous lever, à sortir de chez vous ? Le boulot vous ennuie, les rares personnes que vous voyez encore et avec qui vous parlez vous ennuient, des événements qui autrefois vous aurez fait sourire toute la journée ne vous procure plus qu’un simple petit haussement d’épaules et un sourire vague qui s’efface en quelques secondes. Le monde vous ennuie et vous commencez à penser que vous ennuyez le monde.
Leçon n°8 : Le "faux" problème. C’est le moment où on pense soudain : "mais si ça se trouve, ce n’est pas grave, ce que j’ai. Je dois juste ne plus y penser, mener ma petite vie, et tout ira bien..." Alors vous reprenez contact avec les gens, vous vous efforcez de parler plus, de sortir plus, de prendre soin de vous, peut-être même que vous avez pris rendez-vous avec un psy. Tout semble pouvoir se maintenir ainsi, vous pensez avoir réussi à sauver l’édifice. Jusqu’à ce que se produise quelque chose que vous n’aviez jamais imaginer : vous vous observez de l’extérieur. Cela peut être une personne qui parle avec vous, ou une conversation entre d’autres personnes que vous entendez sans le vouloir. Mais le sujet vient sur le tapis… vous entendez des mots, des phrases, "dépression", "problèmes de comportement", et vous sentez cet écho en vous. Vous pouvez maintenant mettre des mots sur ce que vous ressentez… ou plutôt sur ce que vous ne ressentez plus. Car vous venez de comprendre que le faux problème était de croire qu’on est mal parce qu’on ne ressent que des choses douloureuses. Et que votre problème, c’est le vrai. Vous ne ressentez ni ce qui est plaisant ni ce qui est douloureux. Vous ne ressentez rien.
Leçon n°9 : Le chaos. Brouillard total. Entre le rêve et la réalité, vous vous dites qu’il n’y a qu’un pas. D’ailleurs, les mots "réalité" et "rêve" commencent à perdre leur sens ; ils ne veulent plus rien dire, dans votre esprit. "Esprit" aussi est un ancien mot, un mot qui n’a plus vraiment de valeur. Quel mot en a encore, en fait ? Il n’y a plus de sens, plus de valeur. Les gens, les objets, les projets, la vie, la mort, le rêve, la douleur, le plaisir, le sourire, les larmes, la souffrance, le rire… plus rien n’a d’importance.
Leçon n°10 : Le chemin. Je parle ici d’un chemin tortueux, trouble, qui mène à une destination inconnue. C’est très simple. Plus rien n’a de sens. Ni vous, ni moi, ni le monde, ni les lois, ni les leçons… alors faites ce que vous faites. Pas ce que vous avez envie de faire ; vous n’avez plus aucune envie de quoi que ce soit, de toute façon. Ni ce qui vous vient à l’esprit en premier, puisque vous ne savez plus ce qu’est votre esprit et que vous doutez même de son existence.
Faire. Ce verbe est très vague, j’en conviens. Il veut dire que vous pouvez tout aussi bien faire bouger votre corps en levant un pied, faire une sieste infinie, faire un mouvement brusque pour frapper quelqu’un ou quelque chose, faire en sorte de ne plus jamais bouger et d’être aussi immobile qu’une statue… après tout, quelle est la différence entre vous et une statue ? Pourquoi y en aurait-il une, de différence ? Et pourquoi il y n’y en aurait pas ? La statue, vous la démolissez à coups de poings, et elle se casse. Vous, vous saignez. Soudain, vous voyez de l’eau sortir de la pierre ; il y avait une fontaine derrière. L’eau qui coule est comme votre sang. Vous pouvez détruire la statue et vous pouvez vous détruire vous aussi. Ou bien marcher plus loin, continuer votre chemin. Pour détruire une autre statue. Ou pour aller vous noyez dans la prochaine fontaine. Peu importe. Vous finirez par arriver devant cette porte nommée "la mort" et vous la franchirez sans un regard en arrière.