Portes ouvertes et portes fermées

Juste... laisse-moi

"Cette soirée m’a coûtée 23 euros. Cette soirée m’a coûtée 23 euros..." Je n’arrêtais pas de penser à ça, dans le tramway, tout à l’heure. Je fixais la vitre, le regard absent ; j’étais absente. Hors de moi, hors du temps, hors de tout, hors de portée de quiconque aurait l’audace d’essayer de m’attraper. Et puis de toute façon, si je rencontrais à nouveau des personnes prêtes à se risquer à faire ça, je dirais simplement : "fichez-moi la paix".

Je voulais aller au cinéma, cela faisait longtemps. Le film m’a émue aux larmes. Ça aussi, ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Ce qui m’a énervé ce soir, ce sont ces gens qui m’ont demandé : "pourquoi tu fais ça ?". Encore eux, toujours eux, toujours ces êtres pour qui ce qui est illogique est tabou, dangereux, et qui du coup vont pointer du doigt "les excentriques", "les fous", "les personnes bizarres". Vous vous demandez pourquoi après avoir visionné un film particulièrement touchant et bouleversant, je suis allée dans un bar pour me saouler, danser sans mon tee-shirt sur une table au milieu d’une foule d’inconnus alcoolisés ? Vous vous demandez pourquoi, alors que je pourrais tranquillement vivre dans une maison à la campagne avec les deux seuls membres de ma famille qui me supportent encore, je vis actuellement dans un appartement vieillot avec trois colocataires aussi discrets et avec aussi peu de personnalité que des rats ? Et bien je n’ai pas vraiment de réponse à ces questions. Et contrairement à ceux qui me posent ces fichues questions, je n’ai pas envie de chercher de réponse.

Ma mère m’écrit régulièrement, comme si elle avait peur que quelque chose de terrible arrive si elle ne le fait pas. Je sais survivre sans elle, à ma façon certes, mais je sais le faire. J’ai bien réussi à survivre sans mon père, après tout…

Quand un mec se met torse nu dans un bar, il devient juste un gars qui a un coup de chaud - probablement à cause de l’alcool plus que de la danse - et qui veut déconner deux secondes. Par contre, une nana qui enlève son tee-shirt, elle devient une nana que tout le monde fixe avec des yeux stupéfaits en criant "elle est à poil !" et que tous les mecs veulent sauter. Merde les gars, j’étais en soutif, pas "à poil". Encore un moment de décalage. Un de ces fameux moments où je me dis que jamais je ne trouverai quelqu’un qui me ressemblerait ne serait-ce qu’un tout petit peu. Alors, si je dois rester seule, personne n’a le droit de se mêler de ce que je fais de ma vie, personne, OK ? C’est le message que je vais faire passer autour de moi, désormais. Laissez-moi. Tous autant que vous êtes. Maman, laisse-moi. W, laisse-moi. Tous, laissez-moi tranquille… vous ne pouvez qu’aggraver les choses en étant atteint par ma folie et en me faisant culpabiliser de vous avoir entraîné avec moi là-dedans.