L'esprit comme une palette de couleurs mélangées
Un esprit bordélique, impossible à déchiffrer clairement. Comme les couleurs. Les couleurs que je finis par mélanger rageusement lorsque j’essaye de peindre quelque chose et que je n’obtiens pas le résultat que je voulais. J’aime l’idée de pensées colorées. Rouge : la sangria.
C’est dur de parler. Pourtant, entre faire comprendre les choses en parlant ou en agissant, j’ai toujours privilégié la parole. Je pensais même être douée pour ça. Bleu : les yeux de V ; je lui disais souvent qu’au lieu de pleurer dans son coin, il devait trouver le courage de parler avec ses parents et de leur dire à quel point il souffrait de les voir s’engueuler. Maintenant, je n’en suis plus aussi sûre. Je me sens maladroite dès que j’ouvre la bouche. Et c’est peut-être encore pire que quand j’agis. Au moins, quand j’agis sans parler, j’ai une seconde de gloire où je me dis "yeah, la guerrière entre en scène !" Vert : émeraude de l’eau des rivières, et celui plus foncé de la pierre que j’ai en pendentif ; le vert de ses yeux à elle, aussi.
Je ne sais pas si j’arriverai à dormir, cette nuit. Une fois, j’ai essayé de peindre juste avec la lumière artificielle de mon appart, volets fermés, une légère musique en fond, mes lunettes vissées sur le nez, debout face à ma toile. Mauve : entre souvenirs joyeux et regrets. Amertume. Mauvaise lumière, et pas assez d’air. Je ne peins que sur mon balcon, en pleine journée. Dommage, j’aurais voulu peindre, cette nuit. Peindre la nuit… ce serait comme tenter de peindre mon ombre. Une immensité d’une couleur d’une obscurité indéfinissable. Pas le noir, non, plus encore. Au-delà d’une unique couleur. Au-delà de moi et de mon ombre, infiniment plus loin que la nuit telle que mon œil la voit. Quelle peinture extraordinaire…