Lettre à Steph
Très cher Steph,
J’espère que tu es heureux, là où tu es. Peu m’importe de savoir où c’est, je veux juste que tu sois heureux. Après ce que tu as vécu, c’est la meilleure des choses que je puisse te souhaiter.
Mon frère. Que j’aime écrire ces mots, mon frère, comme si de les écrire pouvaient les rendre plus forts. Mais l’endroit où ils résonnent le plus fort, c’est dans mon cœur et nulle part ailleurs. Tu le sais. J’ai pensé à toi, je me suis confiée à toi si souvent… j’aimerais te voir. Je sais ; c’est impossible.
Quand je ne sais plus trop ce que je dois faire, où j’en suis, ce que je suis capable de faire, je me tourne vers toi. Comme si te dire tout ce qui me pèse suffisait à éloigner les démons. Mes démons. Tu les connais bien, maintenant, hein ? Peut-être même mieux que les tiens, à force. Parfois je me dis que c’est égoïste de ma part de te parler sans cesse, de t’écrire sans cesse, et de ne te laisser faire qu’une seule chose : m’écouter. Je me rappelle qu’un jour, je t’ai dit ça et que tu as ris. Et tu ne m’a rien répondu d’autre. Il n’y avait rien à répondre. J’avais compris. Tu voulais m’écouter, tu voulais que je sois moi même si ça signifiait que je suis une personne égoïste. Tu es le seul qui veux voir ça. Le seul avec lequel je puisse être vraiment moi-même. Tu ris de mes démons.
Steph, je suis fatiguée. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. La vie était si paisible, au grand air. Quand j’étais seule avec mon sac à dos, le soleil, les arbres, les rencontres brèves et les rires simples, la rivière comme réconfort, la pluie comme apaisement, la terre comme certitude. Pourquoi ne puis-je pas vivre toute ma vie comme ça ?
Avec son idée de déménagement, ma mère n’est pas loin d’exaucer ce souhait, sans même le savoir. Mais je te l’ai déjà dis, Steph, ce n’est pas le bon moment. Si je partais vivre là où la frontière entre les hommes et la nature est la plus floue, si je partais là-bas maintenant, je n’en reviendrai pas. Je ne reviendrai pas. Je ne pourrai pas résister et je me perdrai définitivement ; personne ne pourrait me faire revenir. Non, je ne peux pas y aller. Je dois d’abord comprendre.