Portes ouvertes et portes fermées

"Ouais, c'est ça, continue de rêver."

Fichue conscience. La petite voix dans la tête qui me balance dans la gueule les vérités que je refuse d’entendre et d’admettre. Mais c’est qu’elle insiste, la conscience, et ça finit par me déprimer encore plus. "Continue de rêver, va… tu sais très bien que ce ne sont que des rêves et qu’en vrai rien de tout ce que tu imagines ne va arriver." J’en ai marre d’avoir raison. J’en ai marre que ma conscience ait raison.
Même au sujet de No, j’avais raison. Elle va finir par mettre de la distance entre nous. Peut-être même que ça commence déjà, vu qu’on ne s’est pas parlé depuis samedi. Elle va me laisser seule, comme les autres. Mais bon, elle, je lui en voudrais peut-être moins ; elle a tenté de revenir, bien que ce soit inutile.
Je vois des gens parler de choses comme l’amour, l’amitié, les liens frère/sœur, avec des étoiles dans les yeux. Bandes d’hypocrites. Ils espèrent convaincre qui avec des idées pareilles ? Parce que moi c’est terminé, je n’y crois plus. Comment y croire alors que tout ce que je vois ce sont des mensonges, des illusions, des exagérations qui ne font que retarder l’inévitable retour de la réalité et de sa dureté ? Chaque soir, je me couche avec ce sourire amer. Le petit sourire furtif qui veut dire : "rêve toujours ma belle, tu vas voir demain comme ça va encore être horrible". J’en peux plus. C’est insupportable, c’est… putain, j’ai pas les mots.
Me lever, aller au boulot ou à la FAC, ou bien me réveiller, couper le réveil et me rendormir… quoi que je fasse, je reste seule avec moi-même. Parfois, je tente de me forcer à faire comme tout le monde, à parler comme si je croyais possible que l’amitié m’attende au coin d’une rue, à sourire comme si je trouvais cela génial de retrouver des personnes de mon âge alors que je me sens tout le temps l’âme d’une personne de milles ans. Mais c’est trop tard, j’ai perdu la capacité de faire ça. Je peux mentir à n’importe qui sauf à moi-même. J’ai loupé le coche, j’ai manqué un épisode, j’ai oublié une leçon importante, bref, je ne sais pas ce que j’ai fait ou ce que je n’ai pas fait ou ce qui me manque, mais je ne partage pas la même vision du monde que les autres, c’est même pire : j’ai l’impression que la majeure partie de mon être est constamment ailleurs, qu’il n’y a qu’une minuscule part de moi qui reste accrochée à cette terre, à ce monde, et que le reste se perd quelque part… Et si un jour, tout mon être part ailleurs, que seul mon corps physique demeure sur terre ? Je vais finir dans un asile, avec d’autres pauvres gens qui seront comme moi, barrés ailleurs, on ne sait où, comme s’il y avait une infinité d’univers et que chacune de ces personnes étaient égarées dans un univers différent et que donc on ne pouvait les comprendre à moins d’être dans cet univers avec eux…