Pensées vagabondes
Retour à la maison. Ma mère et mon frère qui discutent du monde, de la politique, des gens, des manifestations… et moi qui écoutent d’une oreille distraite en me sentant comme Lorenzo de Médicis de la pièce de Musset ; je me fiche de ce qu’il se passe, de ce que font les gens, et surtout, je sais bien à quel point tout cela est futile.
Un souvenir qui me hante. Le souvenir de D et moi, de cette idée stupide que j’ai eue, de ce moment où je lui ai taillé une pipe, et de notre conversation après. "Pourquoi tu m’as embrassée ?"
- "Tu me plais, tu es belle, tu m’as attirée depuis le début… Je sais pas, je me sens bien avec toi."
Cette réponse m’a rendue totalement silencieuse. Je pensais juste que c’était mieux de ne rien dire. Alors je n’ai rien dit d’autre. Si tu savais combien de personnes m’ont dit des mots similaires, D… Et combien ils les ont regrettés, ensuite. Tu ne me connais pas, D. Si tu me connaissais, tu ne pourrais pas dire ça.
Quand je suis à mon appart, je ne mange pas beaucoup. A l’inverse, chez ma mère, j’ai l’impression de manger trop. J’ai trop de temps pour moi. W a des projets, ma mère a des idées, mon frère est si créatif… ils font tous quelque chose. Moi, je mange, je dors, je souffre, je ris, je crie, je danse, je rêve, je pense, j’écris, je dessine, je me torture, mais je ne construis rien. Que pourrais-je bien construire ? Que font les monstres, hormis détruire ce que construisent les autres ?
Il y a un chemin dans la montagne, derrière la maison de ma mère. Je vais y marcher dès que j’en trouve l’occasion. Parfois, je fixe les arbres, puis me penche au bord du chemin et imagine à quoi ressemblerait une chute de cette hauteur-là, ensuite je cours jusqu’à être essoufflée, je pleure en serrant un tronc d’arbre contre moi, sèche mes larmes et retourne à la maison. Au bout de ce chemin - je ne vais pas souvent jusqu’au bout, à vrai dire - se trouve un atelier de poterie. Je ne sais pas si des gens y viennent ou s’il est voué à l’oubli. L’autre jour, j’ai commencé à écrire une histoire à propos de cet endroit. J’y ai imaginé des personnes, je me suis imaginée les observer, sortir de l’ombre de ce chemin et rester plantée là, debout devant la fenêtre, à regarder ce qui se passe. J’ai rêvé une histoire d’amour heureuse, j’ai écrit une fable que je pourrais moi-même qualifier de dégoulinante d’un romantisme écœurant. Mensonge que tout cela… mais beau mensonge, malgré tout.
Je n’aime pas vraiment le film qui a été fait à partir du dernier tome de la saga Harry Potter. Il y a dans le livre une intensité qui était tout simplement impossible à retranscrire, fut-ce en un film très long en deux parties. Je l’ai regardé, tout à l’heure. Et l’unique chose que je veux garder en mémoire est la musique. Je sens que, peut-être, avec ces mélodies il me sera possible de m’endormir, cette nuit.