Portes ouvertes et portes fermées

"Tu n'es qu'une égoïste."

Discussion familiale houleuse. Mon petit frère N se montre toujours aussi arrogant, et je déteste particulièrement les moments où ses propos sont vecteurs d’angoisse. J’ai déjà bien assez d’angoisse à gérer personnellement, je n’ai nulle envie que quelqu’un en rajoute.
Il m’a dit que je ne pense qu’à moi, que je suis égoïste. Que si je ne l’étais pas, j’expliquerais mon voyage plus en détails afin de les rassurer, lui et notre mère. Il n’a pas vraiment tord. Mais bien sûr, hors de question de l’admettre, alors j’ai joué la carte du "ça me blesse, ce que tu dis ; ça veut dire que tu n’as pas confiance en moi". Sauf qu’il a raison, au fond, ce gosse. Je suis égoïste. Je vais partir loin d’eux et faire abstraction de la peine que va leur causer mon départ. Cette décision est égoïste… mais à quand remonte la dernière fois où j’ai été assez égoïste pour profiter ne serait-ce que d’une seconde d’un peu de fierté personnelle, au lieu de me sacrifier constamment pour d’autres personnes ou d’autres causes ? Je ne m’en souviens tout simplement pas. C’est cela que N ne voit pas. Il ne voit pas que j’ai passé trop de temps à supporter des choses sans rien dire, à me retenir de m’exprimer avec la pensée de ne pas vouloir déranger le monde… C’est pour cela que j’aime tenir un journal ; j’y écris vraiment ce que je veux et le soulagement de pouvoir faire ça est énorme à mes yeux.
Quand j’écoute N parler, je m’imagine sans cesse ce qui ce serait passé si à la place de mon petit frère il y aurait eu Steph, ce grand-frère que je n’ai pas eu la chance d’avoir. Aurait-on eu des disputes aussi insensées ? Je ne crois pas. J’aurais pu me confier à Steph. Il aurait su… il aurait pu tout savoir. Peut-être que je me serais sentie moins égoïste, si cela avait été le cas.