Portes ouvertes et portes fermées

"Please, let her go."

Quelque chose me fait beaucoup réfléchir, ces derniers temps. Je vais partir, c’est une certitude. Je vais m’en aller, tenter l’aventure, marcher au hasard, croiser le chemin de certains et quitter des yeux celui de d’autres. Je ne vais laisser que peu de personnes derrière moi. Il y aura ma mère, mon petit frère N, mon chat Lou, W, Sol, et je pense que c’est la fin de la liste. Courte liste. Mais liste tout de même. D’où ma question : comment leur dire "au revoir" ? Au départ, je songeais à faire une lettre ; on finit par connaître mon grand amour des lettres, n’est-ce pas ? Enfin bref, je me disais qu’une lettre - des mots écrits donc - permettrait de laisser à ceux qui les liront le temps d’analyser les choses, et qui sait, peut-être même d’obtenir un début de compréhension par rapport à ma décision. Mais ce que je pense des mots et des écrits me fait douter de cette idée. Les mots peuvent mentir. Sauf qu’il y a pire encore. Lorsque les mots me concernent, lorsque ce sont mes mots, ils risquent de trop en dévoiler. Or, ce que je veux justement éviter, c’est que ces personnes que je vais laisser aient trop d’éléments en leur possession. Je ne veux pas qu’ils puissent éventrer ma pensée, mon âme, mes pulsions, et qu’ils en fassent quelque chose de si difforme que même moi je ne puisse le reconnaître comme mien.
Mais si je ne laisse pas de lettre, devrais-je alors dire ce que j’ai l’intention de faire ? Exprimer en quelques phrases mon projet, essayer d’en dire le moins possible tout en étant assez clair afin qu’ils ne s’inquiètent de rien et ne cherchent pas à s’inquiéter de quoique ce soit. Cela me paraît toujours aussi inimaginable. Comment peut-on dire ce besoin, cette quête, ce brouillard, ce tressaillement du fond du cœur qui revient sans cesse nous pousser vers ce que l’on ne connaît pas et qui nous attire tant ?
En fin de compte, j’ai songé à ne rien écrire et à ne rien dire. Juste… partir comme ça, sans donner aucune explication. Geste égoïste, sans doute. Ce serait comme… faire silence, ne pas répondre à une question posée. Est-ce à dire que le silence est une réponse égoïste ? Aux yeux de certains, j’imagine que oui. Je l’ai déjà écrit : pourquoi personne ne peut se satisfaire du silence ?
Alors je ne sais pas. Dire, écrire, ne pas dire, ne pas écrire, partir pour revenir plus tard, partir et ne jamais revenir, partir sans savoir si l’on va revenir ou pas… Les contradictions s’enchaînent et se multiplient, traçant la route sinueuse de ma vie. Ce serait si facile, si on me laissait partir…