Compter le temps
Ce n’est finalement que ça, on change juste des chiffres et des nombres et voilà, on annonce la fin d’une année et le début de la suivante. On compte le temps, on le réduit à des calculs d’heures, de semaines, de mois, d’années… encore une des causes de mon angoisse. Le temps passe et rien ne change pour moi. En revanche, tout change autour de moi. Seulement autour de moi ; moi, je regarde le film défiler comme une imbécile, la bouche close par peur de dire une sottise, les yeux figés dans la même direction parce que si je commençais à regarder avec plus d’attention les choses je m’y perdrais tant il y en qui arrivent au même moment.
Je ne sais pas si je reverrais D. Je me dis qu’avec un peu de chance, il va m’oublier assez vite. W devrait faire de même ; je ne lui apporte rien de bon. On va se revoir, la semaine prochaine, elle et moi, pour manger ensemble comme on le faisait il y a un an environ. Je ne sais pas si je vais pouvoir supporter de l’entendre me raconter ses péripéties, de me sourire en me faisant des confidences, de me voir comme sa meilleure amie, celle sur qui elle pourra toujours compter… alors que c’est faux. Je ne veux pas de cette responsabilité, je ne veux pas qu’on me dise ensuite combien je suis décevante, indigne de l’amitié qu’on me porte. Je ne demande rien de plus que ce que je suis moi-même prête à offrir. Le reste, je le mets de côté et surtout je refuse qu’on m’impose quelque chose au nom de je ne sais quelle convention sociale admise par une majorité de personnes que je ne connais certainement même pas. Parce qu’un gars vient me faire une déclaration presque digne d’un film romantique, je devrais l’éconduire de la façon la plus polie qui soit, alors qu’il s’est conduit comme le dernier des abrutis ? Non, désolé, mais ça n’excuse rien. Idem pour l’amitié. On me donne une place dont je ne veux pas. Parce qu’une personne me dit que je suis la confidente parfaite, qu’avec moi elle peut tout dire sans crainte d’être jugée, je devrais faire de même et confier mes plus secrètes pensées à mon tour ? Non, je ne le ferai pas. Jusqu’à présent, personne n’a réussi à être, selon moi, celui ou celle qui aurait à la fois le privilège et le fardeau d’être ce quelqu’un à qui je confierais tout sans crainte d’être rejetée parce que je suis moi-même.
Au final, je déteste cette idée de la nouvelle année. Plus de 2018, on va maintenant écrire 2019 à la place. Un 9 au lieu d’un 8. Super. Et alors ? Alors rien. Et tout à la fois. Rien ne va plus, tout part dans tous les sens.