Confidences
Je suis chez ma mère depuis jeudi soir. Le vendredi, je suis allée me balader dans les montagnes pas loin de la maison. J’ai marché longtemps. Et puis je me suis arrêtée. Un arbre me faisait de l’ombre, un tapis d’herbe me faisait un lit où je me suis allongée, les yeux vers le ciel, et je me sentais bien là, seule. Une chose étrange parce que s’il y a bien une personne que je trouve plus insupportable que quiconque en ce moment, c’est moi. J’ai commencé à réfléchir à tout un tas de trucs. Ensuite, réfléchir ne me suffisait pas alors j’ai ouvert la bouche et j’ai parlé dans le vent, comme ça, seule, je parlais sans trop savoir pour qui ou pour quoi. J’ai juste… vidé mon sac en quelque sorte. Ce sont mes petits instants de confidence à l’univers. Disons que c’est mieux que rien.
Je viens de réaliser que la plupart des choses utiles ou même vitales que j’ai apprises, je les dois aux livres, aux histoires, aux films, aux spectacles, et en dernier seulement à mon éducation. Sauf que milles mensonges se sont glissés au milieu de tout ça et que j’ai parfois l’impression de passer mon temps à les traquer et à les défaire un par un.
Je n’ai plus peur. Je me demande seulement avec une légère curiosité comment ça va se finir. Est-ce que je reviendrais dans six mois prête à reprendre ma vie là où je l’aurais laissée, mais cette fois avec la volonté d’en faire enfin quelque chose d’utile ? Et si je faisais ma vie ailleurs sans jamais revoir ma famille ? Ou peut-être que ce voyage me permettra de confirmer ce dont je me doute depuis toujours : je ne suis pas à ma place.
Je n’ai plus peur, je me regarde dans le miroir en haussant les épaules et en me disant que partir n’est pas grave. Il y aura des conséquences mais elles ne seront pas pour moi. J’ai voulu être celle sur qui on peut compter, celle qui affronte tout et qui peut tenir quoi qu’il arrive cependant je n’ai pas pu l’être ; délaisser cette responsabilité, cette pression, en abandonnant le navire, c’est finalement une expérience à côté de laquelle je ne pouvais pas passer. Dans six mois, peut-être huit ou douze, ou bien peut-être dans quatre ans ou même dix, je verrai les conséquences de mon départ et une part de moi a hâte de les voir. Et s’il n’y a aucune conséquence réelle, et bien, cette même part de moi a autant hâte de le constater, de murmurer le fameux "je le savais". Parce que je suis pour l’instant convaincue que si conséquences il y a, elles ne seront guère mémorables. C’est pas comme si mon petit frère allait se lancer dans une quête effrénée à la recherche de sa sœur partie du jour au lendemain, hein ; je l’ai déjà dit, je suis facilement oubliable, comme fille.
Mes confidences aux arbres et au ciel se sont achevées par une multitudes de larmes. Je suis restée dehors pendant trois heures. Trois heures avec mes secrets. Des secrets qui n’en étaient plus, puisqu’il n’y avait personne à qui les dissimuler, là où je me trouvais à cet instant. J’aimerais ne plus jamais avoir de secrets. Tout comme j’aimerais ne plus jamais avoir à mentir.
En moi se terre toujours la petite gamine qui espère que son père vienne la prendre dans ses bras, qui veut retrouver ses rêves perdus, qui s’énerve à force de pleurer, qui reste cachée parce qu’elle est trop fragile pour ce monde.