"J'ai mes idées."
Réveil du matin avec un mal de crâne atroce, une narine qui saigne, un bleu sous le pied droit et des cernes sous les yeux. Du boulot ensuite, toujours le même ; je sens que je vais adorer le moment où je vais écrire à mes chefs pour leur dire que je me casse. Repas de midi bien costaud, avec le soleil dans le dos et une vague de tranquillité qui m’a brièvement étreinte. Et enfin, retour dans ma planque, dans cette coloc que je vais bientôt quitter.
J’ai failli racheter de l’herbe. J’ai résisté à la tentation. Je me demande encore pourquoi. Je sais pas, sans doute qu’il y avait un truc qui me perturbait trop, trop de pensées en tête et du coup, aucune distraction ne pouvait m’empêcher de réfléchir.
Nouvelle lecture du moment : Enfance, de Nathalie Sarraute. Le passage que j’ai lu aujourd’hui m’a particulièrement interpellée. Une gamine qui a des pensées soudaines, des idées qui lui viennent sans qu’elle le veuille, des idées qui la dérangent, des idées qu’elle a besoin de partager avec quelqu’un pour ne pas en subir la pression toute seule… cela me rappelle tellement ce que j’ai ressenti parfois, quand j’étais encore une gamine, moi aussi. Et il y a cette impossibilité d’être comme les autres enfants, d’être encore comme eux, innocente. L’innocence perdue trop tôt. Cela explique le décalage que je ressentais, à l’époque. Mais et maintenant alors ? Je ne suis plus une enfant, je n’évolue plus dans un monde d’enfants, je n’ai plus besoin d’être innocente puisque les autres autour de moi ont abandonné leur innocence aussi ; on devrait se comprendre mieux. Sauf que le décalage est toujours là. Si ce n’est plus l’innocence, le problème, alors quel est-il ?
"J’ai mes idées" disait la gamine, la petite Nathalie dont l’histoire est racontée par la Nathalie adulte. Certains ont leurs jouets, leurs histoires d’enfants, mais elle, elle avait ces idées qui ne la lâchaient pas. Moi aussi, mes idées ne m’ont jamais lâchée. Encore aujourd’hui ce sont ces idées souvent illogiques et incompréhensibles qui font de moi celle que je suis. Pourquoi ai-je des idées comme ça ? Une fois de plus, j’en viendrais presque à souhaiter ne jamais avoir eu ne serait-ce qu’une seule idée...