Portes ouvertes et portes fermées

Histoire de mensonges

J’ai lu un texte, il y a quelques jours ; une petite histoire ayant pour personnages principaux la Vérité et le Mensonge. Quelque chose qui finit par le Mensonge réussissant à voler les vêtements de la Vérité et donc à se faire passer pour elle.

Au lycée, j’avais une prof de lettres - on pourrait presque dire prof de l’être - et je regrette de ne pas avoir gardé de contact avec cette femme. Une personne dure, intransigeante, autoritaire… et en même temps, profondément humaine, pleine de curiosité, d’un élan de vie comme j’en ai rarement rencontré.
Je me souviendrai toujours de la première fois où je suis allée à la Nuit des Musées. C’était son idée, elle aurait voulu que toute la classe s’y rende, mais au final il n’y eut que moi et un ami que j’avais réussi à convaincre. Je ne voulais pas y aller seule mais je ne voulais pas non plus passer à côté de cette occasion de me cultiver un peu. Ce n’est pas que j’aimais particulièrement les musées, c’est simplement que les quelques fois où j’en avais visité un, je m’étais sentie joyeuse, un peu comme une enfant découvrant le monde. Mon ami et moi avions donc visité les salles les unes après les autres, souriant, ne sachant plus où tourner nos regards tant il y avait de choses à voir, d’émotions entre ces murs dont il fallait que nous nous imprégnions. Et quelle surprise ! Mme D était là, elle aussi. Et pendant une heure elle répondit à toutes nos questions, nous expliquant plus que ce que nous étions capable de comprendre ; mais on ne l’arrêta pas, on se laissait comme bercer par ses mots. Elle avait ce don, Mme D. Celui qui faisait que je pouvais oublier tout pour me concentrer uniquement sur ce qu’elle disait.
En cours, elle nous a lu une histoire, un jour. Je ne me souviens pas de tout, juste de quelques éléments. Un peintre qui peignait des peintures avec tant de talent qu’il était le peintre le plus connu du monde, un empereur qui voulu le rencontrer et ordonna à ses soldats de le lui ramener, le peintre demandant ce qu’il a fait de mal et quel était son crime, et l’empereur lui répondant ceci : "J’ai grandi enfermé dans ce palais. Mon père admirait vos œuvres, il les aimait tant qu’il essayait de toutes se les procurer et qu’il les accrochait partout sur les murs. J’ai grandi enfermé ici, à regarder vos peintures jours et nuits, à rêver devant ces tableaux représentant le monde qui m’était inaccessible, à penser combien ce serait merveilleux de voir ce monde une fois que je serai sortit du palais… Le jour où je suis enfin sortit, je n’ai pas retrouvé cette merveille. Le monde était fade, terne, vide… vos tableaux étaient si différents. C’est là que j’ai su que vous m’aviez menti." Drôle d’histoire que celle-ci. Quand je me rappelle ces quelques brides de souvenirs de cette histoire, je me dis que je suis un peu comme cet empereur. A moi aussi, on m’a menti.

Mentir, c’est ce que font le mieux les gens qui m’entourent, ou ceux qui me rencontrent, ou encore ceux qui veulent me rencontrer. Ils le font tous, alors pourquoi pas moi, hein ? Sauf que moi je finis par être fatiguée de mentir. Eux, ils ne s’en lassent jamais. Ils aiment prendre les vêtements de la Vérité pour aller les donner au Mensonge. Parfois je me demande si je sais vraiment ce que je fais, si je mens ou si je dis la vérité. Quelle vérité ? Quel mensonge ? Le mensonge pour ne pas blesser quelqu’un ? La vérité selon ce que m’ont inculqué mes parents ? Parfois, je ne sais plus quels habits je porte ; est-ce seulement un jean et une chemise, ou bien est-ce un déguisement qui cache le Mensonge ?