Portes ouvertes et portes fermées

Hypocrisie

Une après-midi sympathique à me balader là où je voulais. Ensuite, une séance ciné en début de soirée. Et retour chez moi… et ben non. Pas de retour chez moi. Pas tout de suite, en tout cas. Parce que d’abord, c’est repas et fin de soirée en famille. Pas toute la famille, heureusement ; ça, je ne fais plus. Je ne supporte plus. Je ne suis pas la seule, dans la famille à détester ces réunions. Mais je suis sans doute la seule à l’admettre et à le dire, et surtout, à faire en sorte de ne plus devoir subir ces moments gênants. Sauf qu’on peut éviter certaines personnes alors qu’il y en a d’autres… c’est compliqué. Parce que c’est la famille proche, les parents, les frères et sœurs ; à croire qu’il existe une sorte de loi sacrée qui stipule qu’on est obligé de rester coincé avec ces gens-là même si on ne parvient à les supporter qu’à grande peine. Mon seul exploit - si on peut l’appeler ainsi - est d’avoir réussi à éloigner mon daron. Et aujourd’hui, je me dis que malgré tout ce qu’il a fait comme coups fourrés, c’était peut-être bien le plus honnête du lot. "Moi je suis quelqu’un de franc, Anna ! Y a rien de plus important que d’être franc dans la vie." Il disait ça souvent. Il me le répétait comme une règle d’or qui régissait l’entièreté de sa vie. Pourquoi m’as-tu menti, Papa ? Et pourquoi toute la famille fait de même ? En fait, quand je dis que mon père est plus honnête que les autres, je veux dire par là qu’on l’a percé à jour. Lui, on sait qu’il ment, qu’il passe son temps à dire ce que les gens veulent entendre et à tromper son monde. Alors que les autres membres de ma famille… déjà, ils ne sont pas nombreux autour de moi, pratiquement tous disséminés au loin vers la Bretagne ou l’Allemagne à cause de multiples disputes. Famille morcelée. Mais bon, qui de nos jours, n’a pas une famille en morceaux ? Parfois, il ne manque qu’une pièce du puzzle. Mais c’est si important, une pièce. Sans cette pièce, le puzzle n’est pas complet, rien n’est terminé.
Le repas a été aussi bizarre que d’habitude. Petit comité. Ma mère, mon frère N. Comme la fois où on avait décidé que fêter Noel juste à trois, c’était trop déprimant et que du coup, on était partit dans une église pour se rassembler avec d’autres personnes, comme pour se réconforter. Un troupeau de moutons. Qui chantent. Voilà à quoi on ressemblait dans mon esprit d’ado de treize ans. Le repas de ce soir s’est fait entre silences bien trop puissants et paroles inutiles. Décidément, que de ressemblances avec ce soir de Noel à l’église du quartier ! Sauf que je n’ai plus treize ans. Que je sors, que je fais ma vie, que je vais au cinéma regarder des films d’horreurs. Et que ma mère et mon frère N me jugent sur tout. Ils m’analysent, ils le font sans même s’en apercevoir parfois. Ils ne peuvent pas s’empêcher de m’analyser et de m’analyser mal. Toujours dans le faux, à côté de la plaque. A part. En dehors de ma vie mais voulant s’y incruster. Sauf qu’ils ne peuvent pas. Ils ne peuvent plus. Et ils le savent. Mais ils ne l’admettrons jamais, ils ne le diront jamais.
J’ai grandi au milieu de l’hypocrisie. Est-ce anormal que j’ai des difficultés à faire confiance à quelqu’un, après ça ? Que quand on me complimente, je pense d’abord que l’on se moque de moi avant de sourire et de remercier la personne interloquée devant ma suspicion ? Et encore, je lâche un "merci" par politesse, pas parce que j’ai l’impression que la personne en question est sincère.

Est-ce qu’un jour, j’aurais confiance en moi ? Est-ce qu’un jour, je serai aussi assurée que ce que je laisse croire ?