Portes ouvertes et portes fermées

Idée fixe

S’il y a bien une idée qui n’a pas arrêté de me revenir en tête, c’est celle du testament. Les dernières volontés d’un mort, sacrées puisque la personne est morte et qu’elle ne peut plus accomplir ces tâches, désormais. Je me disais tout à l’heure que le testament apporte quelque chose, que c’est un cadeau d’un mort. Alors, inversement, quel serait le cadeau d’un nouveau-né ? Sa venue au monde peut provoquer tant de bouleversement. Parfois, j’aimerais avoir le pouvoir de remonter le temps pour voir de mes propres yeux lesquels ont été ceux de ma naissance. On m’en a raconté quelques éléments, bien sûr, mais je ne suis pas certaine de les croire.
Faire un testament… c’est déjà une façon d’accepter sa mort, qu’elle soit proche ou non. Est-ce que j’accepte la mienne ? Quelque part, oui. Certains diraient à la mort "pas aujourd’hui, s’il te plaît", moi je dirais "écoute, viens quand tu veux". Je ne la cherche pas, je ne la fuis pas non plus. Je me contente de l’attendre, parfois de la croiser de loin, et parfois de partir en courant juste pour le plaisir de savoir avec certitude qu’elle me courra aussitôt après.
L’idée du testament me rend toujours aussi perplexe. Est-ce que j’en ferai un, un jour ? Et si j’en faisais un, à quoi ressemblerait-il ? Quelque chose comme :" A mes parents, je lègue mes journaux intimes pour qu’ils sachent à quel point ils se trompaient à mon sujet, qu’ils ne connaissaient pas leur propre fille, et que de désespoir face à cette vérité, ils me suivent dans la tombe" ? J’exagère à peine mon ressentiment. Je me demande à qui je léguerais mes livres. Probable qu’ils finiraient chez un type qui vend des livres d’occasion. Je pense que le seul que je léguerais à une personne en particulier, ce serait celui regroupant l’intégrale des histoires du Monde de Narnia. Je le donnerais à L, en espérant que cela donnerait à sa vie plus de lumière qu’à la mienne ; cette gamine en aura bien besoin, vu la famille dont elle a hérité.
Cette idée fixe du testament commence à rendre mes pensées du soir encore plus glauques que d’habitude. Je devrais peut-être fermer les yeux, les rouvrir, et diriger mes pensées sur la première chose que je vois. Mon lit. Confortable, rassurant, chaud, confident de mes larmes silencieuses, témoin de mes moments intimes, support idéal pour mes heures de méditation. Je pourrais dérouler le fil de ma pensée pendant des heures. Je me demande s’il y a une maladie pour définir ça, et si elle existe, quel est son nom.