Le meilleur de tous les pièges
Pourquoi ce besoin incessant de faire semblant, de cacher les choses, de masquer certains détails, d’enjoliver ou de magnifier un souvenir ? Ce n’est que de la foutaise, des mensonges… toujours des mensonges et encore des mensonges ! On écrit des histoires aux scénarios brûlants de passion, tout ce travail, ce talent d’écriture déployé et à quelle fin ? Simplement pour se voiler la face, pour tenter d’ignorer le terrible poids qui nous ronge.
Il n’y aura personne pour te sauver si tu as réellement décider d’en finir. Tu n’as pas toujours des amis prêts à mettre au point des plans de dingue dans le seul but de te faire sourire. Quand tu es au fond du gouffre tu ne vas pas soudain rencontrer un inconnu avec qui tu pourras parler comme si de rien n’était et oublier tes soucis. Nous sommes des lâches. Nous sommes de pauvres lapins terrorisés à l’idée de devoir vivre des bouleversements d’une puissance et d’une beauté incroyable. Nous sommes seuls et nous le restons, bien que nous nous efforcions de ne plus l’être. Voilà, le piège. Le pire de tous les pièges parce qu’il nous est terriblement nécessaire : nous mentons.
Ce que c’est exaltant de visionner un film et de songer soudain : "mais… cette histoire ressemble tant à la mienne ! Et si la mienne pouvait se finir aussi bien ?" Alors on y croit, on espère et on rêve. Ensuite, on sombre dans l’envie et l’amertume parce que la réalité n’est pas un film conçu par je ne sais quel réalisateur, la réalité est là pour nous rappeler le vide, la peur, la terreur de se dire que cela finira un jour et que même cet ennui insupportable est finalement mieux que l’inconnu de la mort… Parfois cependant, certains choisissent la mort.
Le piège est affreux, ignoble, si entraînant qu’on oublie que c’en est un. Parce que c’est pourtant de cela qu’il s’agit, d’un piège. On se ment à soi, on ment aux autres, on ment au monde et le monde nous ment, et on finit par se sentir protégé de l’envie de mourir. Quand on est triste et déçu, on regarde un nouveau film. Ou on lit une nouvelle histoire. Parfois, on en écrit une. On ment, on le sait, on l’oublie, et on recommence. C’est si… tordu. Ouais, je pense que "tordu" est le bon mot. Le mot idéal pour décrire l’espèce humaine.
J’en peux plus de tout ça… Je finis par détester tout et par me détester moi aussi… Partout il y a des gens qui font exactement ce que je fais : ils disent certaines choses à certaines personnes, mais jamais ils ne confient tout à une seule personne. Ils contrôlent l’information, ils font au mieux pour ne pas risquer de blesser les autres ou de se blesser en même temps, parfois ils lâchent une ou deux phrases de trop mais le carcan demeure et reprend ses droits. On ne se libère pas aussi aisément. Et c’est tellement mieux de s’imaginer une vie meilleure, de croire qu’on a la force de changer telle ou telle chose, de se dire que ce n’est pas parce qu’on a pas encore rencontré de personne qui ne mente pas qu’il n’en existe pas quelque part… C’est tellement mieux de s’enfermer dans une cellule, de se dire que c’est quelqu’un d’autre qui nous y a enfermé, puis de ne même plus savoir qui est cette personne, de ne même plus avoir envie de savoir qui c’est, d’oublier qu’on est enfermé, de ne plus savoir ce que veut dire le mot "enfermé", et puis de ne plus savoir ce que veut dire le mot "libre". J’en ai assez, j’en ai assez… je pleurs et je hurle de rage, putain ! Un piège si horrible et si beau en même temps… moi-même je lis tant d’histoires, je regarde tant de films, je raconte tant de choses, et je ne peux pas renoncer à faire cela alors que pourtant je me hais de le faire ! J’aurais presque envie de crever.