Souffrir, silence, sourire
Je n’arrive même plus à faire un œuf au plat correctement. Avant, c’était un peu ma spécialité ; j’en faisais à chaque déjeuner. Rien ne dure. Peut-être que d’ici un mois, j’y arriverais à nouveau.
Petite fête en famille, ce soir. J’ai déjà mal au visage rien qu’à l’idée de devoir me forcer à sourire pendant des heures. Au pire, je suivrais la pensée de Tak. L’indifférence, l’impassibilité, et le moins de paroles possible. Je préférerai ne pas y participer, me rouler en boule dans mon lit. J’ai faim. Alors tant pis ; j’irai. Après tout, c’est moi l’invitée principale. C’est ma fête d’anniversaire. Celle où on va m’offrir des cadeaux, où on va me faire boire des verres de vins, où je vais manger de bons petits plats, où chacun passera un moment agréable. Et moi… moi… eh bien moi je serai à la fois Rey jouant le rôle de la fille heureuse et Tak en arrière-plan qui analysera tout en détails. "Il nous sourit mais il ne souhaite qu’une chose : rentrer chez lui et baiser. Dans ses yeux, il y a ce désintérêt, ce voile opaque qui prouve qu’il n’en a rien à foutre de la fête, de notre fête. De nous." Et c’est sans doute là qu’aura lieu un basculement. Tak prendra son visage distant, fera obstacle à l’hypocrisie, pendant que Rey essayera d’ironiser afin que nous ne déprimions pas davantage. Nous souffrons mais nous sourions. Je deviens imbattable à ce jeu-là. C’est encore mieux quand le "je" devient un "nous". Je ne suis jamais vraiment seule, j’ai toujours un soutient interne. "Je" est insuffisant quand il n’y a pas de "nous". Avec deux visages, on peut sourire et pleurer en même temps.